Mémoires, correspondances et manuscrits du général La Fayette - Texte

Modifié par Clemni

« C’est dans cette disposition que j’appris les troubles américains ; ils ne furent bien connus en Europe qu’en 1776, et la mémorable déclaration du 4 juillet y parvint vers la fin de la même année.

Après s’être couverte de lauriers et enrichie de conquêtes, après avoir maîtrisé toutes les mers, insulté toutes les nations, l’Angleterre avait tourné son orgueil contre ses propres colonies. [...] Les Américains, attachés à la mère-patrie, se bornèrent d’abord à des plaintes ; ils n’accusèrent que les ministres, et toute la nation s’éleva contre eux ; ils furent taxés d’insolence, ensuite de rébellion, et déclarés enfin ennemis ; de manière que l’entêtement du roi, la passion des ministres, et l’arrogance du peuple anglais, forcèrent treize de leurs colonies à se rendre indépendantes. Jamais si belle cause n’avait attiré l’attention des hommes ; c’était le dernier combat de la liberté, et sa défaite ne lui laissait ni asile ni espérance. Oppresseurs et opprimés, tous allaient recevoir une leçon [...].

À la première connaissance de cette querelle, mon cœur fut enrôlé, et je ne songeai qu’à joindre mes drapeaux. Quelques circonstances, inutiles à rapporter, m’avaient appris à n’attendre, sur cet objet, de ma famille, que des obstacles ; je comptai donc sur moi, et osai prendre pour devise à mes armes ces mots [...] afin qu’ils me servissent quelquefois d’encouragement et de réponse. [...]

En présentant à M. Deane ma figure à peine âgée de dix-neuf ans, je parlai plus de mon zèle que de mon expérience ; mais je lui fis valoir le petit éclat de mon départ, et il signa l’arrangement. Le secret de cette négociation et de mes préparatifs fut vraiment miraculeux. Famille, amis, ministres, espions français, espions anglais, tout fut aveuglé. [...] On s’occupait d’expédier un vaisseau, lorsqu’il arriva de funestes nouvelles. New-York, Long-Island, les White-Plains, le fort Washington et les Jerseys, avaient vu les forces américaines s’anéantir successivement devant trente-trois mille Anglais ou Allemands. Dès ce moment, le crédit insurgent (NDLR : La confiance dans la réussite des colons américains) s’éteignit ; l’envoi d’un bâtiment devint impossible ; les envoyés eux-mêmes crurent devoir me témoigner leur découragement et me détourner de mon projet. J’allai chez M. Deane, et le remerciant de sa franchise : "Jusqu’ici, Monsieur, ajoutai-je, vous n’avez vu que mon zèle ; il va peut-être devenir utile ; j’achète un bâtiment" [...] Mon projet fut bien reçu ; mais il fallait ensuite trouver de l’argent, acheter et armer secrètement un navire ; tout fut exécuté avec promptitude. »

Gilbert Du Motier La Fayette, Mémoires, correspondances et manuscrits du général La Fayette, Tome 1 Révolution d’Amérique, Bruxelles : Société belge de librairie, etc., 1837

Source : https://lesmanuelslibres.region-academique-idf.fr
Télécharger le manuel : https://forge.apps.education.fr/drane-ile-de-france/les-manuels-libres/histoire-ge-ographie-seconde-pro ou directement le fichier ZIP
Sous réserve des droits de propriété intellectuelle de tiers, les contenus de ce site sont proposés dans le cadre du droit Français sous licence CC BY-NC-SA 4.0